Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/91

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disait assez combien elle trouvait déplacée l’insistance de ce jeune homme à revoir une « demoiselle » avec laquelle il avait pu courir les champs quand il était gamin mais à laquelle il était de son devoir de ne plus penser aujourd’hui !

Cette première réception n’avait pas découragé Titin, au contraire, chaque fois qu’il rentrait de la « Fourca », son premier soin était de courir à la « Bella Nissa » avec des fromages de la mère Bibi et des fleurs qu’il offrait à son amie.

Chaque fois, M. Supia abrégeait l’entrevue. Un beau jour, il avait fait à Titin l’honneur de lui écrire une lettre dans laquelle il le priait de cesser ses visites à sa filleule et de faire désormais comme s’il ne la connaissait pas. Il avait bien voulu entr’ouvrir sa porte à « un soldat qui revenait de la guerre avec de beaux services », mais Mlle Agagnosc n’avait plus rien à faire avec un garçon qui était « le scandale de la ville ».

M. Supia trouvait étrange que Titin eût toujours de l’argent de poche pour régaler ses amis, sans avoir de métier avoué…

Il n’avait pas un métier ! il en avait dix !… Suivant la saison, l’heure la minute : une commission ardue, un coup d’épaule qu’un camarade lui demandait, sans compter la pêche à la « poutine ». Enfin un tas de professions qui demandent beaucoup d’adresse et d’intelligence… Et puis était venue la politique, et puis une entreprise extraordinaire qui lui rapportait de quoi vivre largement, sans en ficher un coup !…

M. Supia, ce jour-là, paraissait aussi gra-