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Cette Revus paraît le 4er dimanelke de chaque mois.

DEUXIÈME ANNÉE, N° 4

On s’ahonne chez l’Éditeur, A BOUSSAC, département de la Creuse. Prix DE L’ABONNEMENT : CINQ FRANCS PAR AN. Les souscripteurs recevront franc de port à domicile dans toute la France,

OCTOBRE. 1846.

Envoyer un mandat sur la Poste par lettre affranchie. Nota. Les lettres non afranchies ne seront pas reçues. On s’aronne aussi à PARIS, à la librairie de Gustave Sandré, rue Percée-Saint-André-des-Arts, n° 41,

REVUE SOCIALE,

ou

© SOLUTION PACIFIQUE DU PROBLÈME DU PROLÉTARIAT,

PUBLIÉE PAR PIERRE LEROUX.

LETTRES

SUR

LE FOURIERINME.

Y° Lettre,

LA MORALE DE FOURIER,

ou

LE SUPPLÉMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE.

A des amis, à Limoges.

Ye

Fourier, après avoir pris l’idée de Saint-Simon, s’est présenté, dans tous ses ouvrages, comme le continuateur de Newton ; et voilà pourquoi ses disciples prétendent qu’il a découvert l’unité universelle. Newton, disent-ils, avait trouvé la loi des corps physiques, Fourier a étendu et généralisé tte loi ; cette loi est ainsi devenue loï universelle ; elle régit le moral comme le physique ; l’unité est trouvée ; c’est Fourier, à la suite de Newton, qui l’a trouvée : donc il a découvert l’unité universelle !

Je soutiens, moi, qu’il n’a pas continué Newton, qu’il n’a rien continué, qu’il a débité gravement des folies, sans aucune science et sans aucune certitude, ou plutôt contre toutes les règles de la certitude, Je le soutiens, et je le démontrerai. Mais en vérité, je le demande, comtnent aurait-il pu continuer Newton, lui qui ne comprenait pas même en quoi consiste la découverte de Newton ?

Nous avons vu que Saint-Simon exigeait trois conditions de celui qui voudrait s’emparer de sa conception.

La première était : «qu’il comprit nettement ce que les savants sentendent par pesanteur universelle. » :

La seconde : «qu’il fût au courant des connaissances physiologiques. » :

La troisième : «qu’il comprit aussi les observations sur les progrès de l’espfit humain (1).» : A

Fourier a prétendu s’emparer de la conception de Saint-Simon

(4) Lettres d’un habitant de Genève à ses contemporains, V, notre troisième

ettree

sais remplir aucune de ces conditions, sans comprendre ce que les savants entendent par pesanteur universelle, sans être au courant des connaissances physiologiques, et sans avoir égard aux observations sur les progres de l’esprit humain. Est-il étonnant qu’il ait fait de l’idée de Saint-Simon, d’une idée qui a de la vérité et de la grandeur, le système le plus faux et le plus absurde ?

Je me propose de démontrer : 4° que le système de Fourier sur l’attraction est de tous points contraire à ce que les savants entendent par pesanteur universelle ; 2° qu’il est démenti par toutes les connaissances physiologiques ; et enfin, 3° qu’il est en contradiction complète avec les observations sur les progrès de l’esprit humain.

Mais, avart d’entamer cette démonstration, j’ai besoin d’expliquer comment Fourier, bien que dépourvu de toute connaissance solide, soit sur les choses naturelles, soit sur es choses humaines, a pu néanmoins se croire apte à dépouiller Saint-Simon.

Si je ne montrais pas d’où lui vint celte confiance en lui-même, vous mé demanderiez comment, ne comprenant pas même ce que les savants entendent par pesanteur universelle, Fourier a pu se croire le continuateur de Newton ;

Comment, n’étant pas au Courant des connaissances physiolo= giques, il a pu se croire en mesure d’imposer aux hommes un Lévitique et un Deutéronome qui renverseraient tous les Lévitiques et les Deutéronomes du passé ;

Comment, ne comprenant pas davantage les observations sur les progrès de l’esprit humain, il a pu se croire appelé à décider pour ainsi dire de l’espèce humaine, à lui tracer sa route, à déterminer ses destinées.

Je vous répondrais vainement que c’est précisément parcequ’il ne comprenait ni l’attraction, ni la physiologie, ni l’histoire, qu’il s’en est fait accroire à ce point. Vous me diriez toujours, et avec raison, que pareille audace n’est pas concevable, que l’orgueil a des limites au-delà desquelles on ne se figure plus ses excès.

Vous ajouteriez que les idées de Saint-Simon ayant, de mon propre aveu, autant de vérité que de grandeur, on a peine à con= cevoir qu’elles aient immédiatement produit de si tristes résultats :

Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ? P g :

Ce n’est pas que je prétende que les idées de Saint-Simon fussent tout or, sans mélange ; mais eufn il y avait de l’or, et qu’est-° il devenu dans l’œuvre de son plagiaire ?

Il faut donc, avant de me livrer à la discussion annoncée, que j’achève de vous faire connaître les sources du système de Fourier, et que je vous explique par quels motifs la leçon qu’il avait pris : dans les Lettres de Genève lui a si mai profité.

C’est, pour vous le dire tout de suite et en deux mots, c’est qu’il avait trop lu le Sxpplément au Voyage de Bougainville.

Je ne plaisante pas, mes amis, et vous le verrez bien tont-àl’heure, quand je vous aurai montré que Fourier a mis Diderot à contribution comme il a mis Saint-Simon,

IL. Le caractère particulier de Diderot, au milieu des penseurs du dix-huitième siècle, c’est d’avoir été plus que tout autre l’apologiste des passions,