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TROISIÈME ANNÉE. MAI 1850. Numéro 9.

EVUE SOCIALE

ou

SOLUTION PACIFIQUE DU PROBLÈME DU PROLÉTARIAT,

PUBLIÉE PAR

JULES LEROUX, PAUL ROCHERY, LOUIS NÉTRÉ.

Cette Revue paraît le 1er de chaque mois. DÉPARTEMENTS.

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Le numéro. ........

EE

SOMMAIRE. — Revue politique. — Le budget républicain, par JULES LEROUX. — D’une nouvelle division territoriale de la France, par PAUL ROCHERY. — La Monarchie est-elle morte ? par ULYSSE CHAR-PENTIER. — Notes sur l’Association de Boussac. Nécrologie : Yvernau#, par AUGUSTE DESMOULINS. — Les Guerres sociales : Introduction, par EUGÈNE MARON.—Novator , par LÉO.

Le résultat des élections de la Seine a été conforme à nos prévisions : EUGÈNE SUE . . . . .128,091

LECLERC . . . . .... 119,66

L’exactitude de ces chiffres n’est pas vérifiée au moment où nous mettons

sous presse. Ce qui est certain, c’est que. le citoyen Eugène Sue aura au moins huit à dix mille voix de majorité.

REVUE POLITIQUE.

M. Baroche, le ministre du 10 mars, a éprouvé ce mois-ci une bien grande douleur. Une loi que M. Baroche n’avait point faite, il fant le dire, mais dont il avait accepté l’héritage et la responsabilité avec un courageux empressement bien digne du premier procureur de France, la loi sur la transportation, a été repoussée par la majorité de l’Assemblée nationale. 1l est vrai que sur huit articles dont se compose celle loi, l’Assemblée n’en a rejeté qu’un seul, celui qui consacrait, au mépris de toute justice, le principe de rétroactivité en matière pénale, principe condamné depuis des siècles par tous les criminalistes. Mais cet article, c’était toute la loi. C’était dans cet article que M. Baroche et la commission avaient placé leurs plus secrètes pensées, leurs plus consolantes espérances. Sans cet article, que devient la loi sur la transportation ? Que sert d’avoir prononcé tant et de si beaux discours ; d’avoir décrit avec complaisance les délices de Noukahiva, la félicité promise aux heureux proscrits dans l’enceinte fortifiée construite à l’avance par une prévoyante nature ?

Si Barbès, Raspail, Blanqui et les condamnés de Versailles demeurent à l’abri, si la loi nouvelle ne les atteint pas, qui donc peul-elle frapper désormais ? Est-ce une mesure d’intimidation contre les Socialistes, contre les Républicains ? Personne ne le croira. Quand les Socialistes sont déjà en majorité, quand chaque jour qui s’écoule leur apporte de nouveaux alliés, quand la victoire pacifique du suffrage universel leur est assurée, pourquoi les Socialistes s’aviseraient-ils de conspirer ? Qui conspire aujourd’hui contre la République ?

Les vieux partis monarchiques : orléanistes, légitimistes, bonapartistes. 

Qui défend loyalement la République ? Les Socialistes. Est-ce donc pour punir leurs propres complois que les royalistes ont demandé la transportation ? Peut-être. Le jour pourrait n’êlre pas éloigné où la République leur demandera compte de leurs méfaits, en leur disant comme Louis XI au cardinal de La Balue : « Patere le gem quam ipse tulisti : Subissez la loi que vous avez faile.» Mais non ; pour la République, il n’y a point de justes vengeances : elle met l’humanité au-dessus de ses ressentiments. Elle déchirera ces dé- £rets impies, dictés par la colère et la peur.

La loi sur la transportation serà donc une œuvre inutile, funeste seulement à l’honneur de ceux qui l’ont votée. En lui ôtant la rétroactivité, la majorité l’a tuée. Il est impossible de peindre les angoisses de M. Baroche, lorsque, après les discours de M. Odilon Barrot, il s’est vu arracher les prisonniers de Doullens. Ses dernières paroles élaient pleines d’’âmertume et de découragement. Le ministre honnéte et modéré sera longtemps inconsolable de cette défaite imprévue.

Les élections du 98 avril lui en préparent une seconde. Grâce à M. Carlier et à M. de Grammont, le Succès du candidat démocratesocialiste est assuré. M. Carlier est un homme précieux pour la démocratie ; il nous rappelle M. Léon Fauclier, de regrettable mémoire. On se souvient que M. Léon Faucher a, comme ministre, puissamment servi à déconsidérer le gouvernement de la réaction dans les provinces : son langage provocant, ses articles dans le Moniteur, ses dépêches télégraphiques donnèrent l’impulsion à ce mouvement démocratique qui transforme chaque jour l’esprit politique des déparlements.

À l’heure qu’il est, M. Carlier rend le même service aux Parisiens. Depuis que Paris est sous sa dictature, le grand parti de l’ordre s’amoindrit à vue d’œil. Il a préparé, par le sciage des arbres de liberté, les élections du 40 mars ; avec le même zèle, il travaille aujourd’hui pour la candidature d’Eugène Sue.

Voici les moyens adroits et délournés dont M. Carlier s’est servi pour conduire notre candidat à l’Assemblée nationale : il a fermé toutes les réunions électorales-socialistes et défendu la vente, sur la voie publique et chez les marchands de vin, de tous les journaux démocratiques. Les journaux réactionnaires ont seuls conservé le droit de s’étaler sur le boulevard. Tout marchand assez osé pour offrir à ses acheteurs la Voix du Peuple, la République, la Presse ou l’Evénement, a été arrêté, brutalisé, battu : les femmes mêmes n’ont pas.élé épargnées. M. Carlier, qui a de la littérature, connait le vers de la Fontaine :

Mieux vaut douceur que violence,

Le succès du préfet de police a été complet : les citoyens, qui ne croient pas que l’ordre soit la négation de la justice et de l’humanilé, ont repoussé d’une main les journaux de tolérance et pris de l’autre un bulletin au nom d’Eugène Sue. Les directeurs de journaux, frustrés de la vente au numéro, ont établi des bureaux de sous-abonnement au mois et à la semaine, et déjà la foule se presse pour s’abonner aux feuilles prohibées. Le nom de M. Carlier sera bénpar tous les Républicains. Puisse le concert de leurs éloges étouffer les cris de désespoir de ces infortunés qui vivaient, eux et leurs familles, de la vénte des journaux, et que le préfet de police, défenseur de la religion, de la famille et de la propriété, vient de réduire à la dernière misère ! ;

M. de Grammont à des projets plus grandioses. 11 se propose de, décapiter la France. Il demande que l’Assemblée abandonne ce Paris où les Socialistes osent avoir la majorité dans les élections. M. de Grammont n’a pas l’honneur de l’invention. Il lit sans doute assidûment le Courrier de la Gironde et le Courrier de la Somme ; c’est là