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SUR MON CHEMIN

complet jaune. Il était en retard, très affairé, très essoufflé. La présentation fut rapide et difficile. Nous étions aussi forts l’un que l’autre sur les langues étrangères. Ma lettre fut la première qu’il décacheta, d’un coup de couteau. Il la parcourut sans comprendre ; mais ma carte y était jointe, et il comprit tout à coup. Il se retourna vers moi :

Newspaper gentleman ?

— Parfaitement, lui dis-je, je suis un monsieur qui écrit dans les journaux.

Alors, il dit :

Never, never, never, never Mr Chamb’l’in has received newspaper gentleman ! Never, never, never !

Il me répétait ainsi que jamais, jamais, le ministre ne recevait de journalistes. Je ne bronchai point. Et, flegmatique, je ramassai, d’un effort suprême et concentre, toutes les connaissances que je pouvais avoir de la langue anglaise ; je fis appel à toutes les ressources de ma méthode et je déclarai :

Never, Mr Chamb’l’in, has received newspaper gentlemen, but Mr Chamb’l’in, will receives me !

Ce qui veut dire pour les profanes que, si Mr Chamb’l’in ne voyait jamais de journalistes, il n’en serait pas moins enchanté de me recevoir, moi !