Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/104

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dont les traces n’ont pas cessé d’exister dans le langage et même dans les opinions d’un grand nombre de cultivateurs. Il a fallu, pour les mettre en honneur, qu’on eût appris à les amender, et que les produits fins et recherchés qu’elles donnent à meilleur marché que toutes les autres devinssent d’un usage plus général. Aujourd’hui ces sortes de terres sont de plus en plus appréciées et déjà d’autres pays que la Belgique leur accordent la préférence. En Angleterre, par exemple, elles commencent à l’obtenir, et c’est un fait que dans plusieurs contrées où les terres qualifiées de bonnes sont affermées sur le pied de 23 à 28 shillings l’acre (68 à 78 francs l’hectare), les terres autrefois dites maigres et pauvres se louent de 30 à 38 (de 94 à 109 francs l’hectare). »

Tel est le témoignage d’un homme remarquablement érudit en ce qui touche à l’agriculture. Il cite, d’ailleurs, à l’appui de ses observations des autorités non moins sérieuses, le statisticien anglais bien connu Porter entre-autres. Voici comment s’exprime ce dernier « L’opinion relative à l’altération que subit le système de fermage, par l’usage qui se répand d’appliquer les sols légers à des emplois dont on croyait tes fortes terres seules susceptibles, est confirmée par les communications faites aux commissaires de la loi des pauvres, etc. » M. Hippolyte Passy fait remarquer quelles révolutions dans la valeur relative des terres entraînent de temps à autres certaines découvertes techniques : ainsi l’emploi longtemps ignoré de la chaux dans plusieurs parties de l’ouest de la France a changé en champs de froment des espaces abandonnés jusque-là aux grains inférieurs. La découverte d’une marnière suffit pour permettre la transformation d’une agriculture locale. « La puissance de l’art est immense en agriculture, dit avec raison M. Hippolyte Passy ; et elle ne cessera pas d’amener dans l’emploi des terres des changements successifs[1]. » Qui oserait prétendre, en effet que nous ayons épuisé la science agricole, et que deviennent en face de ces révolutions incessantes

  1. Hippolyte Passy, Des systèmes de culture, pages 54 et suivantes.