Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/144

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moins le propriétaire. C’est par scrupule scientifique que nous nous sommes aussi longtemps arrêté à cette conjecture ; dans la pratique et pour la surface entière d’un grand pays elle n’a, en effet, qu’une médiocre importance.

Ce qui caractérise une agriculture progressive et intensive, c’est, en effet, le développement des produits accessoires et raffinés, les fruits, les légumes, les fleurs même, les volailles, le beurre, les œufs, le fromage, etc. Les contrées vieilles on les grandes villes sont nombreuses, où la population est dense, sont les seules qui se prêtent bien à ce genre si rémunérateur de culture et ce sont précisément ces produits qui exigent à la fois pour le même espace le plus de travail et qui fournissent le plus fort revenu net. Ici l’harmonie se trouve complètement rétablie entre le revenu net et le revenu brut l’un n’est plus en raison inverse de l’autre. La vigne est la plus essentielle, la plus remarquable, de ces productions agricoles perfectionnées. Tous les climats ne s’y prêtent pas mais la France, après la disparition ou la défaite du phylloxera, pourrait fournir 150 ou 200 millions d’hectolitres de vin à sa propre consommation et à celle du reste du monde. La consommation des légumes et des fruits est aussi presque indéfiniment extensible : que l’on réduise certains tarifs de transport, que l’on supprime certaines taxes d’octroi et que l’on améliore, que l’on réforme le commerce de détail pour l’alimentation, on verra en quelques années doubler, tripler, quadrupler la demande de toutes ces. denrées raffinées. Les campagnes en reprendront plus de vie et la population qui en tire sa subsistance deviendra plus considérable.

Plus le prix du pain et le prix de la viande baisseront, plus la population aura d’argent disponible pour se procurer ces appoints si utiles et si agréables de l’alimentation. Qui eût dit, il y a un siècle, que plusieurs de nos départements tireraient leur principale ressource de la betterave à sucre, et que d’autres, comme l’Hérault, ne seraient guère qu’un vignoble continu ? Il est fort possible que dans vingt ou trente ans tous ces produits réputés accessoires de l’agriculture européenne