Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/198

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deux, épargner sur les frais généraux, cela paraît bien aisé. Nous croyons, cependant, que le propriétaire urbain individuel tel qu’on en rencontrait autrefois de si nombreux types dans nos capitales, tel qu’il s’en trouve encore un bon nombre aujourd’hui, remplit un rôle sérieux, utile, économique, auquel une société a moins d’aptitudes. Qui n’a connu l’ancien propriétaire parisien, cet homme qui ne comptait pour rien son temps, qui lui-même recevait ses loyers, lui-même louait ses appartements, qui les inspectait, faisait faire les réparations sous sa propre direction, dont l’esprit était à l’affût de toutes les améliorations utiles en même temps que de toutes les économies possibles ? Il se trouve encore à Paris des légions de propriétaires de ce genre, et l’on peut dire que des sociétés anonymes, à plus forte raison l’État, les villes, n’auraient pas la même expérience, les mêmes soins constants et minutieux. Quant à la prétendue économie des frais généraux, c’est un avantage d’autant plus mince que le propriétaire individuel sérieux n’a aucun frais de ce genre il surveille lui-même et ce lui est un plaisir, de même qu’il fait construire lui-même, sous sa surveillance assidue.

Il y a sans doute, à côté de la propriété urbaine individuelle, la propriété urbaine collective. On rencontre, il se constitue même des latifundia urbains ; c’est naturel et nécessaire pour certaines grandes constructions, comme les gigantesques hôtels à voyageurs que l’on édifie dans les grandes villes. Les compagnies d’assurances, celles sur la vie surtout, qui reçoivent d’énormes capitaux et qui sont embarrassées pour en retirer un intérêt rémunérateur, bâtissent ou achètent des quartiers entiers. Dans d’autres pays, en Angleterre, la propriété du sol des districts nouveaux des grandes villes appartient souvent à quelque lord, et les constructions doivent lui faire retour en même temps que le sol dans un certain nombre d’années. On a vu dans le mois de janvier 1880 le singulier spectacle, chez nos voisins, d’une ville entière de plus de 10,000 âmes, aux environs de Rochdale, vendue à l’encan et adjugée à un simple particulier.