Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/219

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une demeure à soi, un home, dont elle fût propriétaire. Cet idéal, on n’y arrivera jamais ; il répugnerait même aux habitudes et aux goûts de beaucoup de gens mais jusqu’ici on s’en est de plus en plus éloigné dans les grandes villes ; les classes riches y reviennent, abandonnant les vastes maisons-casernes des quartiers du centre pour se construire de riantes petites habitations dans la périphérie. La partie inférieure de la classe moyenne et la classe laborieuse elle-même pourront-elles un jour arriver aussi à ce que ceux de leurs membres qui le voudront possèdent dans les grandes villes une demeure individuelle ?

Les 6 à 700,000 logements qui existent dans la ville de Paris sont l’objet d’une constante recherche de la part des anciens et des nouveaux habitants. L’offre des appartements semble être restée dans le passé d’une manière chronique au-dessous de la demande. En 1856, par exemple, il y avait seulement 5,600 locaux vacants, soit 1 1/4 ou 1 1/2 p. 100 du nombre des appartements à cette époque.

Le loyer moyen par tête n’a pas cessé de s’élever ; il était de 90 francs en 1817, de 110 francs en 1829, de 150 en 1872, et nous avons vu plus haut que, d’après le Bulletin de statistique municipale, il s’élèverait à 166 ou 167 francs en 1876 ; mais, comme ces évaluations officielles sont en général de quelque chose au-dessous de la réalité, on peut admettre pour l’année 1880 le chiffre de 180 à 190 francs comme représentant le loyer moyen par tête à Paris. C’est juste le double de ce qu’il était, il y a soixante-trois ans. Les salaires se sont accrus depuis lors, mais nous ne pensons pas qu’ils aient doublé.

De tous les articles indispensables qui composent le budget du petit bourgeois, de l’employé et de l’ouvrier, le loyer est celui qui a le plus augmenté la progression en a été plus rapide que celle de la dépense en nourriture et que celle surtout de la dépense en vêtements. Cette élévation de la charge que le loyer impose aux classes moyennes ou pauvres correspond-elle à une amélioration un peu sensible du logement ? L’employé et l’ouvrier paient-ils plus cher pour être mieux ; paient-ils, au contraire, plus cher pour être de même ou moins