Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/316

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néfices des gros producteurs, mais parce qu’elle rend de plus en plus difficile, presque impossible, pour les petits, de leur faire longtemps concurrence. Les moyens mécaniques obligent à concentrer l’industrie dans de vastes locaux, à avoir un outillage considérable, très-compliqué, très-coûteux, qu’il faut fréquemment renouveler ou perfectionner, et à distribuer les frais généraux qui sont énormes sur une quantité également énorme de produits. Le champ de la grande industrie s’étend de plus en plus, et l’on ne voit trop quelles limites on pourrait lui assigner. Elle ne se renferme pas dans la fabrication proprement dite, par exemple dans la filature, le tissage, l’apprêtage des textiles on fait tout de plus en plus en grand. La confection qui transforme les étoffes en vêtements tout faits supprime les tailleurs indépendants ou ne les laisse subsister que pour la classe la plus élégante de la population. Les vastes ateliers de cordonnerie font presque disparaître les cordonniers individuels. Les voies de communication perfectionnées rendent facile au marchand des petites villes de faire venir de Paris ou des grandes cités industrielles la plupart des articles de consommation que faisaient autrefois sur place les artisans locaux. On fabrique en grand, et avec une énorme division du travail, jusqu’aux montres. Beaucoup de corps d’état ont presque quitté la province. Il en est ainsi non seulement des tailleurs, des cordonniers, des chapeliers mais les menuisiers même, les forgerons et bien d’autres métiers du même genre forment dans les petites villes un effectif de plus en plus réduit ils ne sont guère utiles que pour les réparations,tellement on a pris l’habitude de presque tout faire venir tout préparé de très-loin[1]. Il n’est pas jusqu’aux hôtels à voyageurs, aux restaurants, qui ne tendent à former aujourd’hui une industrie concentrée offrant aux voyageurs ou à la population nomade de vastes, séduisants et bruyants caravansérails,

  1. Il n’est pas impossible qu’un jour même pour les réparations, le travail se fasse au loin. Toute cette multiplicité de déplacements est la cause de l’augmentation des recettes des chemins de fer. Il ne faut pas croire que l’accroissement de la richesse publique soit strictement proportionnel à la plus-value de ces recettes.