Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/318

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absolument, c’est que, dans les industries dont les produits sont assujettis à des impôts indirects, l’abonnement que consent l’État pour tenir lieu de l’État l’exercice est une faveur dont jouissent seuls les grands ateliers ; on ne peut guère l’accorder aux petits on multiplierait ainsi la fraude. Il n’y a aussi que les commerçants et les industriels de quelque importance qui peuvent se servir de la faculté d’entrepôt, soit réel, soit fictif, cette mesure ingénieuse qui permet de différer le paiement des droits jusqu’au moment où le produit taxé entre dans la consommation. À Paris, ville manufacturière s’il en fut, le charbon est taxé à l’octroi ; mais, pour ne pas charger l’industrie et lui rendre impossible le séjour de la capitale, on a exempté ce que l’on appelle la consommation industrielle, c’est-à-dire l’emploi du charbon dans les usines et les ateliers seulement pour que cette exemption soit accordée il est nécessaire que le fabricant consomme une quantité minima de charbon, laquelle est encore assez considérable. Le petit atelier qui n’emploie que 10, 15, 20 tonnes de charbon par année ne jouit pas de cette immunité, il paie la taxe, même sur sa consommation industrielle. Bien d’autres impôts, les timbres sur les reçus, celui sur les récépissés de chemins de fer, grèvent les petits commerçants beaucoup plus que les grands ou les moyens. Il en est de même pour les transports. Les petits entrepreneurs d’industrie ne jouissent d’aucune réduction sur les tarifs généraux ; leurs heureux concurrents qui peuvent expédier des wagons complets obtiennent une réduction ; ceux qui ont une production assez grande pour remplir des trains complets ou tout au moins une certaine quantité de wagons bénéficient d’une remise considérable sous la forme de tarifs spéciaux. Ce sont là des causes artificielles d’inégalité des conditions entre la grande et la petite industrie. Si la petite industrie se réduit chaque jour davantage, si elle est sur le point de disparaître, ce n’est pas seulement qu’elle soit dans des conditions naturelles d’infériorité, mais c’est encore que, par des mesures imprévoyantes, l’État, les villes, les compagnies de transport protègent inconsciemment la grande industrie contre la petite ; celle-ci est