Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/329

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qui est le commerce, employant un moins grand nombre d’hommes, il en restera un plus grand nombre disponible pour la production à proprement parler. Au lieu d’être assis devant un comptoir, on filera, on tissera, on sera forgeron, et l’on contribuera à augmenter les produits on les fera baisser de valeur en les rendant plus abondants, au lieu qu’autrefois on en rehaussait la valeur en s’interposant inutilement entre le fabricant et l’acheteur. Il est, d’ailleurs, nécessaire que le commerce de détail occupe moins de monde qu’autrefois, sans quoi une beaucoup trop forte partie de la nation serait occupée à distribuer les produits au lieu de produire elle-même. Il y a, en effet, certains organes nouveaux de distribution, comme ceux des chemins de fer, de la poste et des télégraphes qui ont pris une importance considérable si, d’un autre côté, l’appareil de distribution ne s’était pas simplifié et n’avait pas supprimé beaucoup de rouages, il n’y aurait plus aucune harmonie, aucune proportion, entre les organes servant véritablement à la production, qui sont l’agriculture et l’industrie, et les organes de la distribution qui sont les instruments de transport et le commerce. Les premiers doivent toujours être plus importants et occuper une plus forte partie de l’humanité que les seconds.

Cette élimination des intermédiaires est néanmoins défavorable à la formation et à l’élévation de la bourgeoisie, au recrutement de la classe moyenne ce ne sont pas seulement, en effet, les petits commerçants au détail qui sont menacés les commerçants en gros ou en demi-gros le sont presque autant parce qu’ils ont pour clients les premiers. Les grands magasins n’ont que faire d’intermédiaires entre eux et les fabricants ils peuvent s’en passer, et de plus en plus ils s’en passeront. Nous voyons ainsi se fermer peu à peu plusieurs des voies qui permettaient à la bourgeoisie d’arriver à de rapides fortunes.

Toutes les tendances financières et économiques de ce temps nous conduisent, comme nous l’avons dit, à un état de plus en plus bureaucratique et administratif de la société moderne.