Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/338

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Dans un terrain humide et frais
Semez de ta graine de niais
Il poussera des actionnaires.

Le tableau que nous venons de faire confirme l’une des principales observations de notre étude sur l’influence de la baisse du taux de l’intérêt. Cette baisse, disions-nous, a pour conséquence de susciter les entreprises les plus excentriques, les plus illusoires, de développer dans le public le goût de l’agiotage. L’année 1838 en est la preuve, et elle donne un démenti à la célèbre image de Turgot.

Sous le second empire toute cette effervescence de fondations se calma ou plutôt se concentra. Les grands emprunts publics et municipaux d’une part, et d’autre part le mouvement industriel de premier ordre qui devait transformer alors la face du monde firent notablement hausser le taux de l’intérêt. Des entreprises grandioses et fécondes attirèrent à elles tous les capitaux : les chemins de fer, l’éclairage au gaz, le service des eaux, la navigation à vapeur, les transports urbains, les grandes sociétés de crédit firent disparaître et remplacèrent toutes ces sociétés diverses aux titres souvent étranges, à l’importance minuscule, qui remplissaient la cote sous le règne de Louis-Philippe. La spéculation, certes, ne disparut pas ; jamais elle ne réalisa d’aussi gros bénéfices, mais elle eut des allures beaucoup plus régulières et plus imposantes : au total elle fit moins de victimes. Quelles qu’aient été les grandeurs et les misères de plusieurs grosses entreprises, comme le Crédit mobilier, l’Immobilière, la Caisse des chemins de fer, quelles qu’aient été les pertes, d’ailleurs limitées, qu’imposa au public la souscription à certaines valeurs étrangères, dans cette période d’intérêt élevé qui va de 1852 à 1870 on peut dire que les ruines ont été moins nombreuses que dans la période qui avoisine 1838. Le public se trompe à cet égard et est la dupe d’une illusion fréquente : de même qu’un accident de chemin de fer saisit l’imagination et lui représente à tort les voies ferrées comme plus dangereuses que les diligences, de même une grande catastrophe comme celle de l’Immobilière, de la Caisse des chemins de fer ou du Cré-