Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/454

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cien, Moreau de Jonnès, le salaire moyen annuel d’une famille de travailleurs ruraux s’élevait à 135 francs seulement en 1700, à 126 francs en 1760, à 161 en 1788, à 400 francs en 1813, à 500 en 1840 ; aujourd’hui on l’estime à 8 ou 900 francs[1].

Prenons les chiffres de Vauban, de Chaptal, les nôtres propres, et comparons-les au prix du blé. Le setier de blé (125 kilogrammes) coûtait 24 francs en 1692, ce qui représente à peu près 16 francs l’hectolitre, en 1820 l’hectolitre se vendait environ 18 francs ; aujourd’hui 21 ou 22 francs ; nous entendons parler de l’hectolitre de 80 kilogrammes. Il fallait donc en 1692 environ 30 ou 32 journées de travail des champs pour gagner un hectolitre de blé, en 1819 il suffisait de seize à dix-huit journées, il n’en faut maintenant que dix à onze, en mettant à 2 francs ou 2 fr. 20 en moyenne la journée de l’homme or, celle-ci est souvent beaucoup plus forte, notamment pendant le temps de la moisson, de la fenaison, des vendanges. Ainsi les salaires, estimés en blé, auraient triplé depuis la fin du dix-septième siècle, et augmenté de 70 à 80 p. 100 depuis 1819. Ajoutez l’abaissement du prix des vêtements, des ustensiles de ménage, des condiments et de l’épicerie, vous aurez plus que la compensation de l’augmentation du prix de la viande et du loyer. L’ouvrier, d’ailleurs, mangeait-il de la viande au dix-septième siècle ou même au commencement de celui-ci ?

D’autres renseignements viennent appuyer les chiffres qui précèdent. D’après M. de Villeneuve-Bargemourt qui écrivait en 1839, la moitié « de la dépense d’une famille ouvrière », soit 303 francs sur 600 francs de revenu annuel était consacrée au pain. Aujourd’hui on calcule que l’achat du pain représente 20 p. 100 seulement de la dépense totale de la famille d’un bon ouvrier de manufacture, et 30 p. 100 de la dépense totale d’une famille d’ouvriers inférieurs[2].

Si l’on se borne aux cinquante dernières années et que l’on compare les enquêtes faites par Villermé au milieu du règne

  1. M. de Foville donne même un chiffre plus élevé.
  2. Voir l’Enquête décennale de la société industrielle de Mulhouse en 1878.