Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blé depuis cinquante ans ; cette formule n’exprime qu’un préjugé vulgaire ; elle est entachée d’une grande exagération.

Les calculs sur l’ensemble du mouvement des prix sont très compliqués et difficiles à faire. Rien n’est plus malaisé que de dresser un tableau des proportions que les différents objets de consommation ont entre eux, de les classer suivant leur importance et d’établir une moyenne, non pas seulement exacte au point de vue de l’arithmétique, mais, économiquement vraie, des variations des prix. Toutes les denrées n’ont pas la même importance pour toutes les classes de citoyens. Que les diamants, que la martre zibeline ou le renard bleu aient beaucoup haussé depuis un demi-siècle, qu’il en soit de même pour les chevaux de luxe, pour certaines denrées de bouche, comme les huîtres, comme les vins de grands crûs, cela ne concerne guère l’ouvrier ; ce sont des faits qui se passent au-dessus de sa tête. Que les gages des domestiques soient beaucoup plus élevés, qu’un grand train de maison revienne à beaucoup plus qu’autrefois, l’ouvrier n’a pas non plus à s’en inquiéter, puisqu’il n’a ni valet de chambre, ni cuisinière à son service et qu’il n’use pas de ces superfluités qui composent ce que l’on appelle un train de maison. La mesure de l’augmentation du coût de la vie ne peut être la même pour une famille aristocratique, pour une famille bourgeoise et une famille d’ouvriers, parce que les éléments de dépenses sont fort différents.

Ce sont les divers chapitres du budget de l’ouvrier qu’il importe d’étudier. Rien n’est plus difficile à dresser que ce budget. Presque tous ceux qui se sont essayés à cette tâche y ont échoué ; ils arrivaient toujours à des déficits, à une insuffisance des recettes pour couvrir les dépenses, sans doute parce qu’ils introduisaient dans ces prévisions des consommations de l’ouvrier trop de souvenirs de leurs propres habitudes bourgeoises.

L’enquête décennale de la Société industrielle de Mulhouse, en 1878 fournit sur les dépenses des ménages d’ouvriers des renseignements plus précis et plus exacts, autant qu’on en peut juger, que les documents antérieurs. M. Engel Dollfus, qui en