Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/463

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vers l’âge de 65 ou de 70 ans, où il ne peut plus guère rien gagner.

Dans les six périodes de la vie de l’ouvrier, il y en a donc deux, les plus courtes, embrassant ensemble 15 ou 20 ans seulement, qui peuvent présenter un excédant des recettes sur les dépenses. Dans ces deux périodes, l’ouvrier peut épargner soit le quart, soit le tiers, soit parfois la moitié de ses recettes. Sans doute, il y a des exceptions, de la part des infirmes, des hommes maladifs ; nous parlons ici de la généralité. En face de ces deux périodes fécondes en économies, il y en a quatre autres qui sont stériles, où l’ouvrier suffit seulement à ses dépenses et ne peut qu’exceptionnellement faire des épargnes un peu notables. Malheureusement la première des périodes prospères pour l’ouvrier, celle qui s’étend de l’âge de 17 ou 18 ans à celui de 28 ou 30, la plus favorable de son existence, est traversée, diminuée, souvent supprimée par le service militaire qui prend cinq années, ou du moins quatre. Le grand ennemi de l’amélioration du sort de l’ouvrier, c’est le service militaire exagéré ; c’est là le poids mort qui pèse sur la plus belle partie de sa vie, sur celle qui serait naturellement la plus féconde en ressources et en économies. Si dans la saison où se forment les bourgeons, d’où naissent plus tard les fruits, une main ennemie venait en arracher la plupart, l’automne ne pourrait pas réparer les pertes du printemps ; il en est de même pour la vie de l’ouvrier ; la période décisive est celle qui s’étend de 17 ou de 18 ans à 27 ou 28, le service militaire la réduit de moitié ; le service militaire est pour la destinée de l’ouvrier ce que la grêle du printemps est pour les arbres à fruits.

Si l’ouvrier emploie bien les deux périodes prospères de son existence, il lui est, disions-nous, fort avantageux que le salaire nominal ait haussé, alors même que le prix de certaines subsistances et celui du logement auraient monté. Toute la partie de sa rémunération qui n’est pas destinée à son logement et celles des consommations alimentaires ayant haussé de prix lui laisse une disponibilité beaucoup plus grande pour