Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/480

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Marx, qui soutient que la force de production du travail est en « raison inverse du temps consacré au travail ». Il est trop clair que cet adage, d’une vérité relative quand la durée de la journée est excessive, finirait par aboutir à un pur non-sens.

Une loi suisse, votée dans ces dernières années, celle du 23 mars 1877, a sur certains points dépassé la loi anglaise de 1878. Une enquête avait démontré que le travail dans les manufactures helvétiques variait entre 13, 14 et 15 heures, même pour les enfants de dix à treize ans. Après huit années d’études, après avoir subi l’épreuve du referendum, c’est-à-dire du vote populaire, la loi suisse défend d’employer dans les fabriques les enfants au-dessous de quatorze ans révolus. Cela nous paraît excessif : la limite extrême devrait être à douze ans.

De quatorze à seize ans les heures d’école et de travail réunies ne doivent pas dépasser onze heures. Pour les adultes la journée de travail est fixée à onze heures au maximum, et même à dix heures la veille des dimanches et des jours fériés. Le travail est interdit le dimanche, sauf dans de très-rares établissements ; les législations cantonales peuvent en outre établir des jours de fête obligatoires jusqu’à concurrence de huit par an. Le travail de nuit est prohibé sauf des autorisations spéciales. Les femmes ne peuvent en aucun cas travailler le dimanche ou la nuit. Les femmes en couches doivent avoir un repos de huit semaines en tout pendant lequel la fabrique leur est fermée. La loi contient des dispositions assez sévères sur la ventilation des ateliers, l’éclairage, l’entretien des machines, la responsabilité des patrons pour les accidents, même arrivés sans leur faute. Il y a dans cette loi suisse quelques exagérations, à côté d’excellentes mesures.

La France a été en ces matières moins hardie que sa grande voisine aristocratique et que sa petite voisine démocratique. On s’est pendant longtemps chez nous contenté de faire des enquêtes. Une loi de 1841, qui d’ailleurs est toujours restée illusoire, permettait d’employer dans les usines des enfants de huit ans ; de là vient le titre navrant du livre de M. Jules Simon dont nous avons parlé ; mais dans la pratique on trouvait encore