Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/570

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un bienfait cette contrainte imposée ? On dira qu’on ne leur demandera pas leur opinion et que, malgré eux, on leur fera du bien. Cette réponse n’est pas persuasive, sous un régime démocratique. On arriverait, sans doute, par degrés à dispenser l’ouvrier, ou du moins certaines catégories d’ouvriers, de la retenue et à faire supporter par les patrons et par l’État seuls la totalité des cotisations. Les impôts enfleraient d’autant.

Obtiendrait-on, même au moyen de tous ces sacrifices, le résultat que l’on se propose ? Supprimerait-on le paupérisme ? Non, car il y aurait toujours des êtres faibles qui ne pourraient guère travailler, et des êtres paresseux qui ne voudraient pas travailler. Il y en aurait d’autres imprudents, dépensiers, insouciants, qui engageraient d’avance leur assurance sur la vie ou leur pension ; on aurait beau déclarer celle-ci insaisissable, on trouverait toujours des moyens de tourner la loi.

Ce système si bruyamment recommandé et en apparence d’une si facile application aurait le sort de tous les arrangements imposés, de toutes les combinaisons qui veulent améliorer la destinée de l’homme, sans améliorer l’homme même, son esprit, ses mœurs. Il contribuerait simplement à décourager les industries privées concurrentes, les compagnies d’assurances sur la vie soit anonymes et intéressées, soit mutuelles ; à l’organisation toujours souple, féconde, inventrice des sociétés particulières, des institutions philanthropiques,des particuliers,il substituerait la lourde, uniforme et paresseuse bureaucratie de l’État. Il existe en France une Caisse des retraites que l’État a fondée il y a près de trente ans. Cette caisse fait aux petits épargnants des avantages considérables. Non seulement l’État ne retire aucun bénéfice de cette catégorie d’opérations ; mais encore il s’impose des pertes sensibles il fonde ses calculs sur un taux d’intérêt bien supérieur au taux du marché des capitaux à l’heure actuelle, c’est le budget qui doit fournir une partie des ressources de cette institution, qui autrement tomberait en faillite. Néanmoins cette caisse n’attire pas le public, qui préfère, en général, s’adresser aux compagnies d’assurances privées, tellement l’État trouve toujours le moyen, même avec les meilleures intentions,