Page:Leroy-Beaulieu, Essai sur la répartition des richesses, 1881.djvu/87

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convient d’aborder la seconde quel est le caractère particulier du revenu foncier ? Représente-t-il ou non le travail ? Quelle est l’influence de la civilisation sur le développement ou la réduction de la rente de la terre ? Il n’échappe à personne que ce nouveau chapitre fournira indirectement de nouvelles lumières sur la question de la légitimité de la propriété individuelle.

Pour ne pas tomber dans de regrettables confusions, il faut d’abord distinguer très-nettement deux catégories de propriétés foncières la propriété bâtie et la propriété non bâtie, ou plus exactement la propriété urbaine et la propriété rurale, car cette dernière comporte aussi des bâtiments. La nature de ces deux propriétés est très-différente ; les mêmes règles, les mêmes influences ne s’appliquent pas à l’une et à l’autre. Dans ce chapitre nous ne parlerons que de la propriété foncière rurale.

Les personnes qui sont peu au courant des questions économiques et dont l’esprit est complètement dominé par ce grand fait social, universel et si ancien, la propriété individuelle, s’étonnent des controverses que suscite le revenu foncier, la rente de la terre, pour employer l’expression scientifique. Elles voient dans ces discussions d’école un retour à la métaphysique creuse du moyen âge ou à une casuistique vaine. La question, cependant, est de la plus grande importance, et il faut l’aborder sans aucun préjugé, sans parti pris. Quel est le caractère particulier de la rente de la terre ?

Il y a sur le caractère et la nature de la rente de la terre deux écoles, la première qui tire son nom de son inventeur Ricardo et à laquelle adhèrent presque tous les économistes anglais[1], ainsi que beaucoup d’économistes du Continent.

D’après elle, le propriétaire foncier est un être privilégié, qui profite non seulement de son travail, mais aussi de la libéralité de la nature dont il dérobe pour ainsi dire à l’humanité les dons gratuits. Le propriétaire foncier se fait payer par le

  1. Il y a cependant quelques exceptions parmi les économistes anglais les plus récents, ainsi Mac Leod et Jevons.