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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/378

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ture une ou deux longes et partit, après un baiser passionné sur la petite bouche un peu tremblante, un peu blêmie, qui lui disait : « Oui, mérette, oui ! » avec des sanglots retenus.

La jeune femme rentra dans la salle. D’un geste naturel, elle prit une nappe où l’on roule aux temps chauds le « pain brillé » pour l’empêcher de durcir. Elle en couvrit ses cordes. L’homme buvait une dernière rasade et guettait toujours la querretrie.

Denise, sous couleur d’aller porter sa nappe au dressoir, passa derrière lui.

Bourdel regardait vaguement sa fille aller et venir.

La jeune femme, dressée dans le dos du bandit, fixa son père à son tour, le magnétisa avec des yeux exaltés qui clamaient l’angoisse du péril, mit sur sa bouche un doigt suppliant pour implorer le silence et, sans faiblir, ayant balancé la corde, la jeta brusquement autour du col ennemi et avec rage la lui tordit sur la nuque. Deux secondes et la tête inerte frappait le bois de la table.

Les spectateurs s’étaient levés stupéfaits, les mains tendues, presque prêtes, ma foi, à défendre l’inconnu. Le marchand étouffait, pris au garrot, les yeux saillis des orbites.

La vaillante femme le tenait toujours à sa merci, elle expliqua en quelques paroles saccadées la voix du panier, sans doute les assassins tapis, la nouvelle machination de mort.

— Liez-le, je le maintiens.

Le grand valet eut tôt fait de ficeler cou, bras et jambes, d’un poignet violent. L’inconnu sous le bâillon ne râla plus ; son visage devint noir, et on le laissa là, inerte.

— À la querretrie maintenant ! Vite, à la querretrie ! Et fermez-en la porte ! ordonna Denise.

Bourdel s’y rue et tourne la clef. Il était temps. Déjà on perçoit au-dedans une rumeur.

Les bandits ont-ils eu l’éveil ? Quelque cri échappé tout à l’heure ? En attendant, Denise, en vrai capi-