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LES BRAVES GENS.

— Il ne lui est rien arrivé d’extraordinaire ?

— Rien, je quitte la maison et je l’aurais su. Il aime déjà son professeur, voilà tout ce qu’il m’a dit.

— Et il est tranquille comme à l’ordinaire ?

— Pourquoi me demandez-vous cela ? reprit le capitaine que ces questions commençaient à inquiéter.

— Eh bien ! c’est un rude gaillard avec sa figure de demoiselle, voilà tout ! Entendez-vous cela, vous autres ; il a fait ce que vous savez, tout le monde dit qu’il a été brave comme un lion, et lui il embrasse sa maman et sa sœur et va s’asseoir à sa petite table pour travailler.

— Mais quel coup ? demanda le capitaine qui perdait patience.

— Pif ! pouf ! paf ! répondit l’huissier, en faisant mine de boxer un Lepéligas imaginaire ; un nez aplati ! un œil poché ! l’insolent sur le dos ! le temps de dire poliment bonjour, et mon gaillard s’en va, tranquille comme Baptiste, faire ses petites écritures. » (Je ne sais, pour ma part, à quel Baptiste M. Loret faisait allusion ; j’espère que ce n’est pas à Baptiste Thorillon, car cette comparaison encore ne serait pas exacte. Ce Baptiste-là n’était pas tranquille, et ses prévisions, sinon ses craintes, avaient été justifiées.)

À force d’explications, le capitaine finit par comprendre ; sa figure prit aussitôt une expression de perplexité comique. S’il approuvait sans réserve le triple coup de poing et le sang-froid élégant avec lequel il avait été donné, il n’était pas sans inquiétude sur l’opinion de Mme  Defert à propos de cette entrée en matière un peu brusque.

« Ah bah ! se dit-il pour conclure, ma nièce doit comprendre qu’un garçon n’est pas une fille ; que dans le monde il faut se bien poser tout de suite. D’ailleurs, ce n’est pas Jean qui a commencé. »