Page:Les Braves Gens.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
LES BRAVES GENS.

Qui cela peut-il bien être ? se demandait-il en endossant sa tunique. Tout en se demandant qui cela pouvait être, il se dirigea vers le parloir. Jean alla au-devant de lui, lui prit les deux mains et lui dit que sa mère voulait lui parler. Robillard fut embarrassé de sa contenance, fit un suprême effort et demanda à Mme Defert comment elle se portait. Ne sachant plus que dire ni que faire, il se tourna vers Jean, et se mit à ricaner.

Mais Mme Defert avait le talent précieux de mettre tout de suite les gens à l’aise. Au bout de cinq minutes, Robillard lui parlait comme il eût parlé à la tante Edmée, et lui conta toutes ses petites affaires comme à un camarade. La figure de Jean était rayonnante. Il était fier de sa mère ; il était fier de son ami, et il était tout heureux de les voir si familiers. Il était bien sûr d’avance que sa mère plairait à Robillard, mais il s’était demandé si Robillard plairait à sa mère.

Quand Mme Defert aborda la question des sorties, Robillard prit un air inquiet.

« C’est que…, dit-il, j’ai été élevé à la campagne, et je n’ai pas l’habitude d’aller dans le… chez les… Enfin, j’ai peur que mes manières ne vous déplaisent. » Et il regardait avec inquiétude ses grosses mains rouges et ses souliers sans cordons qui semblaient avoir pris le cirage en grippe.

Mme Defert sourit ; cette modestie lui plaisait. Quel joli sourire ! Robillard sentit que ses craintes s’évaporaient en fumée.

« N’ayez aucune inquiétude, lui dit-elle. Jean vous aime beaucoup, et je vois que nous vous aimerons aussi. À dimanche prochain ! »

Et elle lui tendit la main par un geste si familier et si encourageant, que Robillard n’eut pas le temps de songer combien sa main ressemblait à une patte à côté de celle de Mme Defert.

Que penserait M. Defert du nouveau venu ? Robillard, à la promenade, avait quelquefois aperçu le père de son ami. Pour lui, M. Defert consistait en une démarche roide et fière, un faux-col empesé, une mise de gentleman irréprochable et un caractère hautain. C’était peu encourageant. Mais il se sentait déjà soutenu par Jean et par Mme Defert.

Pour dire la vérité, M. Defert trouva tout d’abord que Robillard avait l’encolure d’un valet de ferme. Il n’en disait rien, mais il avait