Page:Les Caquets de l'Accouchée.djvu/168

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rens sont si ordinaires, que de les citer icy les uns après les autres (dit la femme d’un procureur), ce ne seroit jamais faict ; parlons plustost des bons maris : sçavez-vous point qui est ce libraire lequel porte tant de respect à sa femme, qu’il prend cinquante escus en cachette d’elle pour payer les espices d’un procez contre les Normands (Dieu benisse la chrestienté !) qu’il a perdu, et qu’il luy fait croire qu’il a gaigné ? — Madamoiselle, j’en ay bien ouy parler ; mais je ne me puis souvenir de son nom ; au moins je sçay qu’il porte une grande barbe, et la perte de son procez provient peut-estre de ce que son solliciteur n’y voyoit qu’à demy, ou bien que l’on a sonné la diane et la retraicte promptement.

La femme du notaire dit : Veritablement, Mesdames, j’estime ces femmes-là heureuses desquelles les maris sont tant respectueux et doux. Pour mon regard, je me puis vanter d’avoir un bon mary, car il n’est point jaloux de moy ; il me laisse baigner et pourmener avec mes voisines, et d’ordinaire je demeure, pendant qu’il s’en va coucher, à la porte avec de mes voisins et voisines à deviser quesquesfois jusques à minuict, et s’il sçait que je presente la collation, il ne m’en dit mot.

— Pleust à Dieu, dit la femme d’un conseiller, que mon mary me fust aussi facile, et qu’il ne me tins point de si court ! Quand il luy prend quelque ombrage, il m’enferme soubs la clef et s’en va ;