Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/120

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Qui peut te les enlever ? Quel autre que toi peut t’empêcher de les pratiquer ? Et comment t’en empêcheras-tu ? C’est en convoitant ce qui n’est pas à toi que tu perdras ce qui est à toi. » Quand tu as reçu de Jupiter de tels préceptes et de tels ordres, quels sont ceux que tu veux encore de nous ? Est-ce que je vaux mieux que lui ? Est-ce que je mérite plus de confiance ? En observant ses commandements, de quels autres as-tu besoin encore ? Ceux que je te donnerais, ne te les a-t-il pas donnés ? (En veux-tu la preuve ?) Apporte-nous là tes notions à priori, apporte-nous là les démonstrations des philosophes, et tout ce que tu as entendu si souvent, et tout ce que tu as dit toi-même, et tout ce que tu as lu, et tous les résultats de tes méditations.

Mais jusqu’où est-il bien d’observer ces préceptes et de ne pas arrêter le jeu ? — Tant qu’on peut le faire convenablement. Dans les Saturnales le sort a désigné un roi (c’est à ce jeu, je suppose, qu’il a paru bon de jouer) ; ce roi me donne ses ordres : « Bois, me dit-il ; mélange ; chante ; va-t’en ; viens. » J’obéis, pour que ce ne soit pas moi qui arrête le jeu. Mais, s’il me disait : « Crois que tu es malheureux, » je ne le croirais pas. Et qui pourrait m’y forcer ?

Autre exemple : nous sommes convenus de représenter la querelle d’Agamemnon et d’Achille. Celui qui a été chargé du rôle d’Agamemnon me dit : « Va chez Achille, et prends-lui Briseïs. » J’y vais. Il me dit : « Viens. » J’y vais. Il faut faire, en effet, dans la vie, ce que dans les discussions nous faisons par rapport aux hypothèses. « Supposons qu’il est nuit. » — Je le suppose. — « Eh bien ! est-