Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/133

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par l’intelligence de ce qu’il fait ; vois si ce n’est pas par la sociabilité, par l’honnêteté, par la réserve, par la prudence, par la sagesse. Où donc se trouvent dans l’homme le bien et le mal importants ? Là où se trouve sa supériorité. S’il la sauve, si elle demeure comme à l’abri derrière des murailles, si ne périssent ni sa réserve, ni son honnêteté, ni sa sagesse, alors il est sauvé lui aussi ; mais, s’il laisse détruire, emporter de vive force quelqu’une de ces vertus, alors c’en est fait de lui aussi. Voilà ce qu’il y a d’important en lui. On dit que ce fut un grand malheur pour Pâris quand les Grecs vinrent l’attaquer, quand ils saccagèrent Troie, quand ils égorgèrent ses frères. Mais on se trompe, car personne n’est malheureux par le fait d’autrui. Il n’y eut à ce moment qu’un saccagement de nids de cigognes. Son malheur fut quand il perdit sa réserve, son honnêteté, son affection pour son hôte, son respect des convenances. Quel fut le malheur d’Achille ? La mort de Patrocle ? À Dieu ne plaise ! Son malheur fut de s’emporter, de pleurer pour une femme, d’oublier qu’il était là, non pour avoir des maîtresses, mais pour se battre. Voici quand l’homme est malheureux ; voici quand on lui emporte sa ville d’assaut ; voici quand on la lui saccage : c’est quand on lui enlève et lui détruit ses opinions vraies.

— Mais qu’on entraîne nos femmes, qu’on fasse nos enfants prisonniers, qu’on nous égorge nous-mêmes, ne sont-ce pas là des malheurs ? — Où vois-tu cela ? montre-le-moi. — Je ne le puis ; mais pourquoi dis-tu que ce ne sont pas des malheurs ? — Recourons aux règles ; apporte-nous ici tes notions