Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/148

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soutiennent les philosophes, quand ils disent : « Dans tout ce qui ne relève pas de ton libre arbitre, sois plein d’assurance ; mais dans tout ce qui en relève, tiens-toi sur tes gardes ? » Car, si le mal est dans un jugement ou dans une volonté coupables, c’est contre ce jugement et cette volonté seuls qu’il faut se tenir en garde ; et, si toutes les choses qui ne relèvent pas de notre libre arbitre, et qui ne dépendent pas de nous, ne sont rien par rapport à nous, il nous faut user d’assurance vis-à-vis d’elles. C’est ainsi que nous réunirons les précautions et l’assurance ; et, par Jupiter ! c’est à nos précautions que nous devrons notre assurance. Car c’est parce que nous nous tiendrons en garde contre les maux réels, que nous pourrons avoir de l’assurance contre ce qui n’en est pas.

Du reste il nous arrive la même chose qu’aux cerfs. Quand ils prennent peur et fuient devant des plumes, du côté de quoi se tournent-ils ? Où vont-ils se jeter comme dans un asile sûr ? Dans les filets. Et ils périssent ainsi pour avoir préféré ce qu’ils auraient dû craindre à ce qui ne pouvait leur nuire. Nous de même. De quoi avons-nous crainte ? des choses qui ne relèvent point de notre libre arbitre. Où sommes-nous, au contraire, pleins d’assurance, comme en l’absence de tout péril ? Dans ce qui relève de notre libre arbitre. Ainsi il nous est indifférent de nous tromper, d’user de précipitation, d’agir sans pudeur, de nous passionner honteusement, pourvu que nous réussissions dans ce qui ne relève pas de notre libre arbitre. Mais la mort, l’exil, la peine, l’infamie, voilà où nous allons nous jeter, quoi que ce soit aussi ce que nous redoutons.