Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/155

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lui conseillait de se préparer à son procès : « Ne trouves-tu donc pas que je m’y suis préparé par ma vie tout entière ? » — De quelle façon ? — « J’ai sauvé ce qui est vraiment à moi. » — Comment cela ? — « Je n’ai jamais rien fait de mal, ni comme homme ni comme citoyen. » Mais si tu veux sauver aussi les choses extérieures, ton corps, ta fortune, ta réputation, voici ce que je te dirai : « Prépare-toi dès maintenant à ton procès par tous les moyens possibles, puis étudie et le caractère de ton juge et ton adversaire. S’il faut t’attacher à leurs genoux, attache-toi à leurs genoux ; s’il te faut pleurer, pleure ; s’il te faut pousser des gémissements, pousse des gémissements. Car, dès l’instant où tu soumets ce qui est toi à ce qui n’est pas toi, il te faut être à jamais esclave. Ne va pas regimber par moments, et tantôt consentir à servir, tantôt t’y refuser : il te faut absolument et complètement être dans ton âme ceci ou cela, libre ou esclave, éclairé ou ignorant, brave coq ou mauvais coq. Il te faut supporter les coups jusqu’à ce que tu en meures, ou te rendre immédiatement, si tu ne veux pas qu’il t’arrive de recevoir des coups d’abord et de te rendre ensuite. Si tu crois que ce serait là une honte, fais-toi dès maintenant ce raisonnement : Qu’est-ce qui est un bien ou un mal suivant la nature ? Ce qui l’est en toute vérité. Mais où sont la vérité et la nature, là aussi est la prudence ; où sont la vérité et la nature, là aussi est l’assurance[1]. »

  1. M. Coray propose de ce passage fort peu clair une autre version, mais nous ne nous sommes pas cru autorisé à l’admettre.