Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/162

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notre paisible assiette, parce que l’objet dont nous nous occupons est indifférent. Dans tout ce qui m’importe, on ne peut ni m’entraver ni me contraindre ; partout où l’on peut m’entraver et me contraindre, il n’y a rien dont l’obtention dépende de moi, rien qui soit un bien ou un mal ; ma conduite seule dans ce cas est un bien ou un mal ; mais aussi elle dépend de moi. Il est difficile de réunir et d’associer ces deux choses, les soins de l’homme qui s’intéresse aux objets, et le calme de celui qui n’en fait aucun cas ; pourtant cela n’est pas impossible ; autrement, il ne serait pas possible d’être heureux. Ainsi agissons-nous dans un voyage sur mer. Qu’est-ce que nous y pouvons ? Choisir le pilote, les matelots, le jour, le moment. Une tempête survient après cela. Que m’importe ! J’ai fait tout ce qu’on pouvait me demander. Ce qui reste est l’affaire d’un autre, l’affaire du pilote. Mais le navire sombre ! Que puis-je y faire ? Je me borne à faire ce que je puis : je me noie sans trembler, sans crier, sans accuser Dieu, parce que je sais que tout ce qui est né doit périr. Je ne suis pas l’éternité ; je suis un homme, une partie du grand tout, comme l’heure est une partie du jour ; il faut que je vienne, comme vient l’heure, et que je passe comme elle passe. Que m’importe alors de quelle façon je passerai ! Que ce soit par l’eau ou par la fièvre ! Il faut bien en effet que ce soit par quelque chose de ce genre.

C’est ce que tu verras faire encore à ceux qui savent jouer à la paume. La différence entre eux ne tient pas à ce que la balle est bonne ou mauvaise ; mais à leur façon de la lancer et de la