Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/181

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le citoyen. Aujourd’hui que nous ne savons pas l’avenir, notre devoir est de choisir ce qui de sa nature est préférable ; car c’est pour cela que nous sommes nés.

Rappelle-toi après cela que tu es fils. Quels sont les devoirs de ce rôle ? Regarder tout ce qu’on a comme étant à son père, lui obéir en tout, ne jamais le blâmer devant personne, ne rien dire ou ne rien faire qui puisse lui porter préjudice, renoncer à tout pour lui et lui céder en tout, lui venir en aide de tout son pouvoir.

Après cela songe que tu es frère. Et dans ce rôle tes obligations sont d’être complaisant et empressé, de toujours parler en bien de ton frère, de ne jamais lui disputer aucune de ces choses qui ne relèvent point de notre libre arbitre, de les lui abandonner au contraire avec bonheur, pour être plus riche de celles qui relèvent du libre arbitre. Car vois un peu ce que c’est que de te donner l’élévation de l’âme au prix d’une laitue peut-être, ou d’une préséance ! Quel profit n’y a-t-il pas là pour toi ! Après cela, si tu es sénateur dans une ville, songe que tu es sénateur ; si jeune homme, que tu es jeune homme ; si vieillard , que tu es vieillard ; si père, que tu es père. Car chacun de ces noms, chaque fois qu’il se présente à notre pensée, nous rappelle sommairement les actes qui sont en rapport avec lui. Si tu vas dehors blâmer ton frère, je te dirai : « Tu as oublié qui tu es, et quel est ton nom. » Si, forgeron, tu te servais mal de ton marteau, c’est que tu aurais oublié ton métier de forgeron ; Eh bien ! si tu oubliais ton rôle de frère, si tu devenais un ennemi au lieu d’un frère,