Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propos les notions premières ? — « Cela ne se peut. » — Pourrais-tu me montrer quelque chose qui, pour nous guider dans leur application, fût supérieur et préférable au : « Cela me paraît être ? » Le fou lui-même fait-il autre chose que ce qui lui paraît bien ? Et serait-ce donc là chez lui aussi un critérium suffisant ? — « Ce n’en est pas un suffisant. » — Arrive donc à quelque chose qui soit supérieur à l’apparence. Mais quel est ce quelque chose ?

Le voici. Le commencement de la philosophie, c’est de s’apercevoir des contradictions qui existent entre les hommes, d’en rechercher la cause, de faire peu de cas de la simple apparence, de la tenir pour suspecte, d’examiner avec soin si elle est fondée, de trouver un moyen de jugement qui soit pour elle ce qu’a été l’invention de la balance pour les poids, l’invention du fil à plomb pour les lignes droites ou courbes. Voilà le commencement de la philosophie.

Ce qui paraît vrai à chaque homme l’est-il réellement ? — Comment des choses contradictoires pourraient-elles être également vraies ? — Eh bien ! ce ne sera pas ce qui paraît vrai à chacun, mais ce qui nous paraît vrai à nous ? Mais pourquoi à nous plutôt qu’aux Syriens ? Pourquoi à nous plutôt qu’aux Égyptiens ? Pourquoi de préférence ce qui paraît vrai à moi ou à un tel ? Pas de raison pour cela. Donc parce qu’une chose paraît vraie à quelqu’un, ce n’est pas une raison pour qu’elle le soit. C’est ainsi qu’en fait de poids et de mesures nous ne nous en tenons pas à l’apparence, et que nous avons trouvé un moyen sûr de prononcer dans chaque cas.