Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/195

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— « Comment ! dit-on, je n’en suis pas un ! » — Non ; car aucun homme de bien ne s’afflige, aucun ne gémit, aucun ne pleure ; aucun ne pâlit et ne tremble en disant: « Comment va-t-il m’accueillir ? Comment va-t-il m’écouter ? » Comme il le voudra, esclave ! Que t’occupes-tu des affaires des autres ? N’est-ce pas à lui que sera la faute, s’il accueille mal ce qui viendra de toi ? — Évidemment oui. — Mais la faute peut-elle être chez l’un, et le mal chez l’autre ? — Non. — Pourquoi donc t’inquiéter des affaires d’autrui ? — Tu as raison ; mais ce qui m’inquiète, c’est la façon dont je lui parlerai. — Eh bien ! n’es-tu pas le maître de lui parler comme tu le voudras ? — Oui, mais je crains de ne pas m’en tirer. — Est-ce que si tu avais à écrire le nom de Dion, tu craindrais de ne pas t’en tirer ? — Pas du tout. — Pour quelle raison, si ce n’est parce que tu as appris à écrire ? — Évidemment oui. — Et si tu avais à le lire, n’en serait-il pas de même ? — De même. — Pour quelle raison ? C’est que toute espèce de savoir vous donne la force et la confiance dans les choses de son ressort. N’as-tu donc pas appris à parler ? Et quelle autre chose as-tu apprise dans les écoles ? — J’ai appris les syllogismes et les sophismes. — À quelle fin, si ce n’est de discuter en homme exercé ? Et faire une chose en homme exercé, n’est-ce pas là faire avec à-propos, avec certitude, avec intelligence, sans se tromper ni s’embarrasser jamais, et, en sus de tout cela, avec assurance ? — Oui. — À cheval, et dans une plaine, redoutes-tu un fantassin, dans un genre de combat auquel tu es préparé, et lui non ? — Soit ! mais cet homme peut me tuer.