Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 177 —

ce qui est pour l’arranger à sa manière. « Ne veuille pas tel homme (devrait-on lui dire), et rien de ce que tu veux ne manquera à arriver. Ne veuille pas à toute force qu’il vive avec toi ; ne veuille pas rester à Corinthe ; en un mot, ne veuille pas autre chose que ce que Dieu veut. Pourra-t-on alors te forcer, te contraindre ? Pas plus qu’on ne le peut pour Jupiter. »

Lorsque tu as un pareil guide, quand tel est ce lui à la suite de qui tu peux désirer et vouloir, peux-tu redouter quelque échec ? Fais bénévolement de la richesse ou de la pauvreté l’objet de tes désirs ou de tes craintes, tu manqueras ce que tu désires, tu tomberas dans ce que tu crains. Fais de même pour la santé, et tu seras malheureux. Même chose au sujet des charges, des honneurs, de la patrie, des amis, des enfants, en un mot de tout ce qui ne dépend pas de notre libre arbitre. Mais remets tes désirs ou tes craintes entre les mains de Jupiter et des autres dieux ; confie-les leur ; que ce soient eux qui gouvernent, et qu’elles se règlent sur eux, comment seras-tu encore mal heureux ? Si, au contraire, tu es envieux, lâche que tu es ! si tu t’apitoyes, si tu es jaloux, si tu trembles, si tu ne passes pas un seul jour sans te plaindre toi-même et sans te plaindre des dieux, que prétends-tu avoir appris ? Qu’as-tu appris, en effet, ô homme ? Tu as étudié les syllogismes et les sophismes ; ne voudrais-tu pas plutôt désapprendre tout cela, si c’était possible, et tout reprendre depuis le commencement, bien convaincu que jusqu’ici tu n’as réellement rien fait ? Puis, parti de là, ne voudras-tu pas faire en plus ce qui vient après : veiller