Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/227

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même supérieure à tout le reste! Montrez-moi un Stoïcien, si vous en avez un. Où, et comment le feriez-vous? Vous me montrerez, il est vrai, des milliers d’individus parlant le langage du Stoïcisme. Mais ces mêmes gens parlent-ils moins bien le langage d’Epicure? N’expliquent-ils pas aussi parfaitement le Péripatétisme lui-même? Où donc est le Stoïcien? De même que nous appelons statues Phidiaques celles qui sont faites d’après le système de Phidias, montrez-moi un homme qui se trouve fait sur le patron des maximes qu’il énonce en babillant. Montrez-moi un homme qui soit à la fois malade et heureux, en péril et heureux, mourant et heureux, exilé et heureux, flétri et heureux. Montrez-le moi. De par tous les dieux, je voudrais voir un Stoïcien! Si vous ne pouvez m’en montrer un tout fait, montrez-m’en un qui soit en train de se faire, un qui penche vers cette manière d’être. Soyez bons pour moi. Ne refusez pas à ma vieillesse la vue d’un spectacle que je n’ai pas encore eu sous les yeux. Croyez-vous que ce que vous avez à me montrer, ce soit le Jupiter ou la Minerve de Phidias, ouvrages d’or et d’ivoire? Non. Que quelqu’un d’entre vous me montre une âme d’homme, qui veuille être en communauté de pensées avec Dieu, n’accuser ni Dieu ni homme, n’être frustrée de rien, n’aller se heurter contre rien, n’avoir ni colère, ni haine, ni jalousie; une âme qui veuille car à quoi bon tant d’ambages devenir un Dieu au lieu d’un homme, et qui songe, dans ce misérable corps périssable, à vivre en société avec Jupiter. Montrez-m’en une. Vous ne le pouvez pas. Pourquoi donc vous duper vous-mêmes et jouer