Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/258

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avec un âne ou de braire avec lui? C’est que, si petit qu’il soit, il n’est jamais qu’un ânon.

— Pourquoi donc ne me dis-tu rien? — Je ne puis te dire qu’une chose, c’est que l’homme qui ignore ce qu’il est et pourquoi il est né, qui ne sait ni ce qu’est ce monde où il est, ni ce que sont ses compagnons, ni ce qui est bon, ni ce qui est mauvais, ni ce qui est beau, ni ce qui est laid, qui ne comprend ni un raisonnement, ni une démonstration, ni ce que c’est que la vérité, ni ce que c’est que l’erreur, et qui ne sait pas les distinguer, ne se conformera à la nature ni dans ses désirs, ni dans ses craintes, ni dans ses vouloirs, ni dans ses entreprises, ni dans ses affirmations, ni dans ses négations, ni dans ses doutes. En somme, il s’en ira à droite et à gauche sourd et aveugle; on le prendra pour quelqu’un, et il ne sera personne. Est-ce eu effet la première fois qu’il en est ainsi? Est-ce que, depuis que la race humaine existe, toutes nos fautes et tous nos malheurs ne sont pas dès ce moment venus de notre ignorance? Pour quoi Agamemnon et Achille se sont-ils disputés? N’est-ce point faute de savoir ce qui est utile et ce qui est nuisible? L’un ne dit-il pas qu’il est utile de rendre Chryséis à son père, et l’autre que cela est funeste? L’un ne dit-il pas qu’il doit recevoir la récompense qui a été donnée à un autre; et l’autre, qu’il ne le doit pas? N’est-ce pas pour cela qu’ils ont oublié qui ils étaient, et pourquoi ils étaient venus là? « Homme, pourquoi es-tu venu? pour gagner des maîtresses? ou pour combattre? — Pour combattre. — Qui? les Troyens? ou les Grecs? — Les Troyens. — Eh bien! laisseras-tu