Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/265

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te dis ce que je pense, je te fâcherai, et tu me quitteras, peut-être pour ne plus revenir; et, si je ne te le dis pas, vois un peu ce que j’aurai fait: tu seras venu vers moi, pour que je te serve à quelque chose, et je ne t’aurai servi à rien; tu seras venu à moi comme à un philosophe, et je ne t’aurai pas parlé comme un philosophe. N’est-ce pas de la cruauté à ton égard que de te laisser sans te corriger? Si plus tard tu devenais raisonnable, tu aurais le droit de me faire des reproches. « Qu’est-ce qu’Epictète a donc aperçu en moi (pourrais-tu dire), pour que, me voyant venir à lui tel que j’étais, il m’ait ainsi laissé avec mes défauts, sans jamais me dire même un seul mot? A-t-il donc tant désespéré de moi? N’étais-je pas jeune? N’écoutais-je pas ce qu’on me disait? Combien n’y a-t-il pas d’autres jeunes gens à qui l’âge fait faire souvent les mêmes fautes qu’à moi? J’ai entendu dire qu’un certain Polémon, de jeune libertin qu’il était, s’était converti ainsi. Admettons qu’Epictète n’ait pas cru que je pouvais être un Polémon, mais du moins il pouvait corriger ma façon de me coiffer; il pouvait m’enlever mes colliers, me faire renoncer à m’épiler; et il s’est tu, quand il me voyait, dirai-je avec quel accoutrement?

Je ne te dis pas, moi, à qui convient cet accoutrement; mais tu le diras, toi, quand tu seras revenu à toi-même; tu sauras alors ce qu’il est, et ce que sont les gens qui se le donnent.

Si tu me faisais plus tard ces reproches, que pourrais-je dire pour ma défense? « Que, si j’avais parlé, tu n’aurais pas suivi mes avis? » Mais est-ce que