Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/282

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ton âme de l’amour des choses qui ne relèvent pas de ton libre arbitre à l’amour de celles qui en relèvent; si, quand tu dis: « Hélas! » tu ne le disais ni à cause de ton père, ni à cause de ton frère, mais à cause de ton moi, est-ce que alors tu te préoccuperais encore de la maladie? Ne sais-tu pas, en effet, qu’il faut que la maladie et la mort viennent nous saisir au milieu de quelque occupation? Elles saisissent le laboureur à son labour et le marin sur son navire. Que veux-tu être en train de faire quand elles te prendront? Car il faut qu’elles te prennent en train de faire quelque chose. Si tu sais quelque chose de meilleur que ceci à faire au moment où elles te prendront, fais-le.

Pour moi, puisse-t-il m’arriver d’être pris par elles ne m’occupant d’autre chose que de ma faculté de juger et de vouloir, pour que, soustraite aux troubles, aux entraves, à la contrainte, elle soit pleinement libre! Voilà, les occupations où je veux qu’elles me trouvent, afin de pouvoir dire à Dieu: « Est-ce que j’ai transgressé tes ordres? Est-ce que j’ai mal usé des facultés que tu m’avais données? Mal usé de mes sens? De mes notions à priori? T’ai-je jamais rien reproché? Ai-je jamais blâmé ton gouvernement? J’ai été malade, parce que tu l’as voulu. Les autres aussi le sont, mais moi je l’ai été sans mécontentement. J’ai été pauvre, parce que tu l’as voulu, mais je l’ai été, content de l’être. Je n’ai pas été magistrat, parce que tu ne l’as pas voulu; mais aussi je n’ai jamais désiré de magistrature. M’en as-tu jamais vu plus triste? Ne me suis-je pas toujours présenté à toi le visage radieux, n’attendant qu’un