Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/313

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souvent être vaincu. Quand tu auras tout calculé ainsi, prends le métier d’athlète, si tu le veux encore. Autrement, sache que tu te conduiras comme les enfants qui jouent tantôt à l’athlète, tantôt au gladiateur; qui sonnent maintenant de la trompette, et tout a l’heure déclameront la tragédie, suivant ce qu’ils auront vu et admiré. C’est là ce que tu es, athlète aujourd’hui, gladiateur demain, puis philosophe, puis orateur, et rien complètement. Tu imites, comme un singe, tout ce que tu vois; tu passes sans cesse d’un goût à un autre, et tout ce qui est habitude te déplaît. C’est que ce n’est pas après un mûr examen que tu t’es mis à l’œuvre; c’est que tu n’avais pas tourné tout autour de la chose, pour la bien étudier; c’est que tu t’y es jeté à l’étourdie, et pour le plus frivole motif. Ainsi certaines gens, parce qu’ils ont vu un philosophe, ou parce qu’ils en ont entendu un qui parlait comme parle Euphrates (et en est—il qui parlent comme lui?), veulent être philosophes, eux aussi.

Homme, examine d’abord l’affaire en elle-même, puis ta propre nature, et ce que tu peux porter. Si tu veux être athlète, examine tes épaules, tes cuisses, tes reins. Car tel homme est fait pour une chose, et tel autre pour une autre.

Te crois-tu de force, pour être philosophe, et faire ce que nous faisons? Te crois-tu de force à manger comme nous, à boire comme nous, à ne pas plus t’emporter, à ne pas plus te mettre en colère? Il te faudra veiller, te donner de la peine, vaincre tes passions, t’éloigner de ta famille, supporter les mépris d’un esclave, les railleries de ceux que tu rencontres, être le dernier partout, dans