Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/315

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à vivre avec d’autres, leur deviendra semblable; ou il les convertira à ses mœurs. Placez, en effet, un charbon éteint auprès d’un charbon allumé, le premier éteindra le second, ou le second allumera le premier. En face d’un semblable péril, il faut y regarder à deux fois avant de se laisser entraîner à de pareilles liaisons avec les hommes ordinaires; il faut se rappeler qu’on ne saurait se frotter à un individu barbouillé de suie, sans attraper soi-même de la suie. Que feras-tu, en effet, s’il te parle de gladiateurs, de chevaux, d’athlètes, ou, ce qui est encore pis, s’il te parle des hommes; s’il te dit: « Un tel est un méchant homme; un tel est honnête; ceci a été bien fait; cela l’a été mal? » Et si c’est un moqueur, un persiffleur, une mauvaise langue? Avez-vous donc les ressources du musicien, qui, dès qu’il a pris sa lyre, et qu’il en a touché les cordes, reconnaît celles qui ne sont pas justes, et accorde son instrument? Avez-vous donc le talent de Socrate, qui, dans toute liaison, savait amener à ses sentiments celui avec qui il vivait? Et d’où vous viendrait ce talent? Forcément, ce serait vous qui seriez entraînés par les hommes ordinaires.

Et pourquoi sont-ils plus forts que vous? Parce que toutes ces sottises, c’est avec conviction qu’ils les disent; tandis que vous, toutes ces belles choses, c’est des lèvres seulement que vous les dites. Aussi sont-elles dans votre bouche sans force et sans vie; aussi prend-on en dégoût les exhortations qu’on vous entend faire, et la misérable vertu que vous vantez à tort et à travers. C’est là ce qui fait que les hommes ordinaires vous battent. Car