Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/334

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les choses ou les repousser. Et de quelle façon se trouve-t-elle négligée? En ce qu’elle ignore la vraie nature du bien, pour lequel elle est née, et la vraie nature du mal; ce qu’elle a qui lui appartienne en propre, et ce qu’elle a qui ne lui appartienne pas. Lors donc que quelqu’une des choses qui ne lui appartiennent pas, se trouve en souffrance, hélas! dit-elle, les Grecs sont en péril. Bien malheureuse est cette partie maîtresse! c’est elle seule que tu négliges, et que tu laisses sans soins! — Ils vont mourir, dis-tu, égorgés par les Troyens! — Est-ce qu’ils ne mourront jamais, si les Troyens ne les tuent pas? — Si, mais pas tous du même coup! — Où est la différence? Car, si c’est un mal de mourir, c’est toujours le même mal, que l’on meure tous ensemble, ou un à un. Est-ce qu’à ta mort il doit arriver autre chose que la séparation de ton corps et de ton âme? — Non. — Et d’autre part, est-ce que, si tous les Grecs meurent, la porte te sera fermée? Est-ce qu’il ne te sera plus possible de mourir? — Ce me sera toujours possible. — Pourquoi donc gémis-tu, toi qui es roi, et qui as le sceptre de Jupiter? Il n’y a pas plus de roi malheureux que de Dieu malheureux. Qu’est-ce que tu es donc? Rien qu’un berger; car tu te lamentes comme les bergers, quand un loup leur a enlevé quelques moutons. Ces hommes auxquels tu commandes sont tes moutons à toi. Mais pourquoi es-tu venu ici? Y avait-il péril en toi pour la faculté de désirer? pour la faculté de craindre? pour celle de vouloir les choses, ou pour celle de les repousser? — Non, dis-tu; mais on a enlevé la femme de mon frère. — Eh bien! c’est tout