Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/346

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à une lutte, où il peut être vaincu; il renonce bien vite à ce qui n’est pas à lui, et ne revendique pas comme sien ce qui n’est pas libre. Mais qu’il y ait à juger ou à vouloir, qu’il y ait à user comme il faut des idées, c’est alors que tu verras quels yeux il a! « Argus, diras-tu, n’était qu’un aveugle auprès de lui! » « N’y a-t-il pas quelque part en moi, se dit-il, un jugement précipité? Une détermination hasardée? Un désir qui doive être frustré? Une tentative inutile de me dérober à quelque chose? Un effort infructueux? Une accusation? Une bassesse? Une jalousie? » Quelle attention là-dessus! Et quelle tension d’esprit! Mais pour tout le reste, il se couche sur le dos et ronfle. Son calme est complet. Pour notre libre arbitre, en effet, il n’y a ni voleur ni tyran. Mais pour notre corps? Il y en a. Pour notre fortune? Il y en a; et de même encore pour nos magistratures et nos honneurs. Quel prix le Cynique attachera-t-il donc à toutes ces choses? Si vous voulez l’effrayer à leur sujet, il vous dira: « Va-t’en chercher des enfants! C’est pour eux que les masques sont effrayants. Mais moi, je sais bien que ces masques sont de la terre cuite, et qu’ils sont vides en dedans. »

Voilà ce sur quoi tu délibères. Aussi, par le ciel! diffère, si tu le veux bien, et commence par voir si tu es préparé. Vois, en effet, ce qu’Hector dit à Andromaque: « Va-t’en plutôt tisser à la maison; car la guerre est l’affaire des hommes seulement, et de moi surtout. »

C’est qu’il avait le sentiment de sa force à lui, et de sa faiblesse à elle.