Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/352

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après cela les lire ou les débiter avec grâce, que de s’interrompre enfin au milieu de sa lecture pour s’écrier: « Par votre salut! ce sont là des choses que peu de gens peuvent comprendre. »

Est-ce que le philosophe prie les gens de venir l’entendre? Est-ce que par le seul fait de son existence il n’attire pas à lui, comme le soleil, comme la nourriture, ceux à qui il doit être utile? Quel est le médecin qui prie les gens de se faire soigner par lui? J’entends dire, il est vrai, qu’aujourd’hui à Rome les médecins prient les malades de venir à eux; mais, de mon temps, c’était eux qu’on priait. « Je t’en prie, viens apprendre que tu n’es pas en bon état, que tu t’occupes de tout autre chose que ce dont tu dois t’occuper, que tu te trompes sur les biens et sur les maux, que tu es malheureux, que tu es infortuné. » La charmante prière! Et cependant, si la parole du philosophe n’a pas réellement ces effets, elle n’est qu’une parole morte, et c’est un mort qui parle. Rufus avait l’habitude de dire: « S’il vous reste assez de liberté d’esprit pour m’applaudir, c’est que je ne dis rien qui vaille. » Il parlait de telle façon que nous, qui étions assis là, nous croyions chacun lui avoir été dénoncés; tant il mettait le doigt sur ce qui était, tant il nous plaçait à chacun nos misères sous les yeux.

Hommes, c’est la maison d’un médecin que l’école d’un philosophe. Avant d’en sortir, il vous faut, non pas jouir, mais souffrir; car vous n’y entrez pas bien portants, mais l’un avec une épaule démise, l’autre avec un abcès, celui-ci avec une fistule, celui-là avec des maux de tête. Et moi, vais-