Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/364

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les efforts, les désirs, les craintes légitimes, quelle place peut-il y avoir encore chez toi pour la flatterie, pour la servilité? Comment peux-tu regretter encore ici ta tranquillité de là-bas, et les lieux dont tu avais l’habitude? Attends un peu, et tu auras bientôt l’habitude de ceux-ci. Puis, à leur tour, quand tu les auras quittés, pleure-les et regrette-les, si ton cœur de lâche est ainsi fait.

— « Mais comment alors aimer mes amis? » — Comme aime une âme élevée, comme aime un homme heureux. Jamais la raison ne nous commande de nous abaisser, de pleurer, de nous mettre dans la dépendance des autres, d’accuser les Dieux ou les hommes. Aime tes amis, en te gardant de tout cela. Mais, si ton amitié pour tes amis, à la façon dont tu entends cette amitié, doit te rendre esclave et misérable, il ne t’est pas bon d’aimer tes amis. Et qui t’empêche de les aimer, comme on aime des gens qui doivent mourir, qui doivent s’éloigner? Est-ce que Socrate n’aimait pas ses enfants? Si; mais il les aimait en homme libre, en homme qui se souvient que ce sont les Dieux qu’il doit aimer avant tout. Aussi ne s’écarta-t-il jamais de ce qui convenait à un homme de bien, ni dans sa défense, ni dans la fixation de sa peine, ni avant quand il était sénateur ou soldat. Nous, tous les prétextes nous sont bons pour être lâches: à l’un c’est son enfant, à l’autre c’est sa mère, à l’autre ce sont ses frères. Or, notre devoir est au contraire de n’être malheureux par personne, mais heureux par tout le monde, et surtout par Dieu qui nous a faits pour cela.

Dis-moi: Est-ce que Diogène n’aimait personne,