Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/389

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pent à la captivité par la mort. C’est ainsi que Diogène dit quelque part: « Il n’y a qu’un moyen d’être libre, c’est d’être toujours disposé à mourir. » C’est ainsi encore qu’il écrit au roi de Perse: « Tu ne pourras pas plus réduire en servitude les Athéniens, que tu n’y peux réduire les poissons. — Comment cela? Ne puis-je pas les prendre? — Si tu les prends, ils auront bientôt fait de te quitter et de s’en aller, comme les poissons. Si tu prends un poisson, il meurt; et si eux meurent aussi, quand tu les auras pris, quel profit tireras-tu de ton expédition? » Voilà le langage d’un homme libre, qui a soigneusement exa miné la question, et qui en a trouvé la solution, comme cela devait être. Mais, si tu la cherches ailleurs qu’où elle est, comment s’étonner que tu ne la trouves jamais?

L’esclave souhaite bien vite d’être affranchi. Pourquoi? Pour le plaisir de donner de l’argent aux fermiers du vingtième? Non, mais parce qu’il s’imagine que c’est faute d’avoir obtenu cet affranchissement, qu’il n’est ni libre ni heureux. « Que l’on m’affranchisse, dit-il, et à l’instant mon bonheur est complet: je n’ai plus à faire ma cour à personne, je parle à qui que ce soit comme son égal et son semblable, je vais où je veux, je pars d’où je veux et pour où je veux. » On l’affranchit: aussitôt, n’ayant plus où manger, il cherche quelqu’un à flatter, quelqu’un chez qui dîner. Il fait argent de son corps, et se prête aux dernières infamies. Qu’il trouve un râtelier, et le voilà retombé dans une servitude bien plus dure que la première. Ou, s’il fait fortune, le goujat qu’il est,