Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/397

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il y a longtemps que je t’ai dit que rien là n’était en ton pouvoir. — Soit encore pour ceci. — Maintenant peut-on te forcer à désirer ce dont tu ne veux pas? — Non. — A projeter ou à entreprendre quelque chose; en un mot, à user de telle ou telle façon des objets que tes sens te présentent? — Pas davantage; mais, si je désire, on m’empêchera d’arriver à ce que je désire. — Si tu désires quel qu’une, des choses qui sont bien tiennes, sans empêchement possible, comment t’en empêchera-t-on? — On ne le pourra pas. — Qui donc t’a dit que, si tu désirais quelqu’une des choses qui ne sont pas tiennes, tu ne rencontrerais jamais d’obstacles?

— Ne dois-je donc point désirer la santé? — Non; pas plus que tout ce qui n’est pas tien. Car tout ce qu’il n’est pas en ton pouvoir de te procurer ou de conserver dès que tu le veux, tout cela n’est pas vraiment tien. Eloigne de tout cela non seulement tes mains, mais tes désirs bien plutôt encore! Sinon, tu te mets toi-même dans les fers, tu présentes ta tête au joug, quand tu accordes du prix à ce qui n’est pas complètement à toi, quand tu t’attaches à quoi que ce soit qui dépend de la fortune et doit périr. — Ma main n’est-elle donc pas mienne? — Elle est une de tes parties; boue de sa nature, elle peut être arrêtée et contrainte, et elle est en la puissance de quiconque est plus fort. Mais que vais-je te parler de ta main? Ton corps tout entier doit n’être à tes yeux qu’un ânon qui porte tes fardeaux, pendant le temps où il lui est possible de le faire, pendant le temps où cela lui est donné. Survient-il une réquisition, un soldat met-il la main sur lui, laisse-le aller, ne résiste