Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/410

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berté? — Il n’y a que cela qui y conduise, que vous le vouliez ou non, vous autres riches. — Et quels témoins en as-tu? — Vous-mêmes, et pas d’autres, vous qui avez un maître tout puissant, et qui vivez les yeux sur ses gestes et sur ses mouvements. Qu’il regarde seulement l’un de vous en fronçant le sourcil, vous voilà morts de peur, vous qui faites votre cour aux vieilles et aux vieux, et vous dites: « Je ne puis pas faire cela. Cela ne m’est pas permis. Et comment cela ne t’est-il pas permis? Ne soutenais-tu pas tout-à-l’heure contre moi que tu étais libre? — Mais Aprilla me l’a défendu! — Dis-donc la vérité, esclave; ne te sauve pas de chez tes maîtres; ne les renie pas; n’aie pas le front de te prétendre affranchi, quand tu portes de telles marques de ton esclavage. On pourrait plutôt concevoir comme digne de pardon celui que l’amour force à agir contre sa conviction , et qui, tout en voyant où est le mieux, n’a pas cependant la force de s’y conformer. Celui-là, au moins, cède à la violence, et en quelque sorte à un Dieu; mais toi, comment te supporter, mignon des vieilles et des vieux, qui mouches et qui laves ces dames, qui leur apportes des cadeaux, et qui, tout en les soignant comme un esclave, quand elles sont malades, fais des vœux pour qu’elles meurent, et demandes aux médecins si leur état est enfin mortel? Comment te supporter encore, quand, pour arriver à tes hautes charges et à tes grandes dignités, tu baises la main des esclaves d’un autre, si bien que tes maîtres ne sont même pas de condition libre. Puis, après cela, préteur ou consul, tu te promènes fièrement devant moi! Est-ce que