Page:Les Entretiens d’Épictète recueillis par Arrien.djvu/418

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CHAPITRE III




Quelles choses faut-il échanger, et contre quelles autres?

Lorsque tu te sépares de quelqu’un des objets extérieurs, aie toujours présent à la pensée ce que tu acquiers en échange; et, si ce que tu acquiers vaut mieux, ne dis pas que tu y perds. Tu ne perds pas, en effet, à échanger un âne contre un cheval, une brebis contre un bœuf, un peu d’argent contre une bonne action, de vaines discussions contre la tranquillité qu’on doit avoir, une honteuse liberté de langage contre la retenue. Avec cette pensée, tu conserveras partout ton caractère tel qu’il doit être; sinon, vois bien que tu dépenseras tes jours au hasard, et que toutes les peines que tu te donneras seront autant de gaspillé et de perdu. Il est besoin de bien peu de chose pour tout détruire et pour tout perdre: la moindre distraction y suffit. Le pilote, pour perdre son vaisseau, n’a pas besoin d’autant de préparatifs que pour le sauver; pour peu qu’il le tourne contre le vent, tout est fini; tout est fini, alors même qu’il ne l’a pas voulu, et qu’il n’a fait que penser à autre chose. Il en est de même ici: pour peu que tu t’oublies, c’en est fait de tout ce que tu as acquis jusque-là. Attention donc à tout ce qui se présente à toi: tiens-y l’œil ouvert. Ce que tu as à garder n’est pas de peu d’importance: c’est ta re-