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Sont-ce donc là les seules choses que la Providence ait faites en nous ? Et quel discours pourrait suffire à louer convenablement tout ce qu’elle y a fait, ou même à l’exposer ? Car, si nous avions le sens droit, quelle autre chose devrions-nous faire, tous en commun et chacun en particulier, que de célébrer Dieu, de chanter ses louanges, et de lui adresser des actions de grâces ? Ne devrions-nous pas, en fendant la terre, en labourant, en prenant nos repas, chanter cet hymne à Dieu ? « Dieu est grand, parce qu’il nous a donné ces instruments, avec lesquels nous travaillerons la terre ! Dieu est grand, parce qu’il nous a donné des mains, un gosier, un estomac ; parce qu’il nous a permis de croître sans nous en apercevoir, et de réparer nos forces en dormant ! »

Voilà ce que nous devrions chanter à propos de chaque chose ; mais ce pourquoi nous devrions chanter l’hymne le plus grand, le plus à la gloire de Dieu, c’est la faculté qu’il nous a accordée de nous rendre compte de ces dons, et d’en faire un emploi méthodique. Eh bien ! puisque vous êtes aveugles, vous le grand nombre, ne fallait-il pas qu’il y eût quelqu’un qui remplît ce rôle, et qui chantât pour tous l’hymne à la divinité ? Que puis-je faire, moi, vieux et boiteux, si ce n’est de chanter Dieu ? Si j’étais rossignol, je ferais le métier d’un rossignol ; si j’étais cygne, celui d’un cygne. Je suis un être raisonnable ; il me faut chanter Dieu. Voilà mon métier, et je le fais. C’est un rôle auquel je ne faillirai pas, autant qu’il sera en moi ; et je vous en gage tous à chanter avec moi.