Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/136

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elle leur sert à payer ce qu’ils achètent, comme ferait l’or. Et elle est tellement légère qu’elle pèse dix fois moins.

Les marchands qui viennent des Indes ou d’autres pays et qui apportent or, argent, perles ou pierres précieuses, ne peuvent, dans cette ville, les vendre qu’au grand Khan. Il a désigné à cet effet douze officiers qui en estiment la juste valeur, et le prix est acquitté exactement en monnaie de papier. Les marchands s’en contentent, parce qu’ils ne trouveraient pas d’autre acheteur et parce qu’ils sont payés sans retard. En outre, cette monnaie leur permet d’acheter partout ce qu’ils veulent et elle est facile à transporter. Par ce moyen, le grand Khan acquiert chaque année tant de choses précieuses que ses trésors sont infinis et il les paie avec une monnaie qui ne lui coûte rien.

Plusieurs fois par an, il fait publier par la ville que tous ceux qui possèdent or, argent, perles ou pierres précieuses, les portent à sa Monnaie, qu’il les fera payer tout de suite et largement. Les habitants ne sont pas obligés d’obéir, mais ils le font car ils ne trouveraient pas ailleurs un prix égal. De cette manière, le grand Khan possède toutes les richesses de ses États[1].

Lorsqu’un billet est détérioré, on le porte à la Monnaie, et moyennant trois pour cent de change, on en

  1. Ce singulier système enrichit son promoteur, le Ministre des finances Achmet, mais il exaspéra la population et Achmet fut assassiné, comme nous l’avons vu. L’emploi du papier-monnaie continua pourtant et fut une des causes les plus certaines de la chute de la dynastie mongole, qui fut renversée par celle des Ming en 1367, soixante-quatorze ans après la mort de Khoubilaï.