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CHAPITRE IX

Le miracle de Samarcan


Samarcan[1] est une ville très grande et très renommée. Les habitants en sont chrétiens ou mahométans. Ils appartiennent à un neveu du grand Khan, nommé Caïdou, qui déteste son oncle. Je vais vous dire une grande merveille qui advint en cette cité.

Il n’y a pas encore longtemps, Sigatay[2], parent du grand Khan, qui était seigneur de cette contrée et de plusieurs autres, se fit baptiser. Les chrétiens, en eurent grande joie et bâtirent dans la ville, une église en l’honneur de Saint Jean-Baptiste. Ils prirent une très belle pierre qui appartenait aux musulmans et la placèrent comme socle d’une colonne qui soutenait le toit, au milieu de l’église. Or il advint que Sigatay mourut. Les sarrasins n’avaient pas cessé de regretter la pierre qui leur avait appartenu. Ils se dirent alors que le moment était venu de la recouvrer de gré ou de force. Ils pouvaient le faire, car ils étaient bien dix contre un. Ils se rassemblèrent donc, s’en furent à l’église des chrétiens et dirent que, de toutes façons, ils voulaient reprendre la pierre. Les chrétiens, recon-

  1. Samarkand, capitale de la Soghdiane. C’est là qu’Alexandre tua Clitus. Tamerlan en avait fait sa capitale. On y trouve son tombeau.
  2. Dchagataï, second fils de Gengis-Khan.