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LES MILLE ET UNE NUITS,

cet air, qui étoit des plus gais, l’accompagnèrent de leur voix ; mais elles s’interrompoient de temps en temps par de grands éclats de rire que leur faisoient faire les paroles. Au plus fort de ce divertissement, et lorsque la compagnie étoit le plus en joie, on frappa à la porte. Safie cessa de chanter, et alla voir ce que c’étoit.

Mais, sire, dit en cet endroit Scheherazade au sultan, il est bon que votre majesté sache pourquoi l’on frappoit si tard à la porte des dames ; en voici la raison. Le calife Haroun Alraschid avoit coutume de marcher très-souvent la nuit incognito, pour savoir par lui-même si tout étoit tranquille dans la ville ; et s’il ne s’y commettoit pas de désordre.

Cette nuit-là le calife étoit sorti de bonne heure, accompagné de Giafar[1] son grand visir, et de Mes-

  1. Giafar le Barmécide. Haroun Alraschid lui donna en mariage sa sœur Abassa, à condition qu’ils ne goûteroient pas les plaisirs de l’amour. L’ordre fut bientôt oublié. Ils eurent un fils, qu’ils envoyèrent secrètement élever à la Mecque. Le calife en ayant eu connoissance, Giafar perdit la faveur de son maître, et peu après la vie ; et Abassa, chassée du palais, fut réduite à l’état le plus misérable.