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CONTES ARABES.

peu. Les noirs avoient d’abord présenté de cette herbe pour nous troubler l’esprit, et nous ôter par-là le chagrin que la triste connoissance de notre sort nous devoit causer ; et ils nous donnoient du riz pour nous engraisser. Comme ils étoient anthropophages, leur intention étoit de nous manger quand nous serions devenus gras. C’est ce qui arriva à mes camarades, qui ignoroient leur destinée, parce qu’ils avoient perdu leur bon sens. Puisque j’avois conservé le mien, vous jugez bien, Seigneurs, qu’au lieu d’engraisser comme les autres, je devins encore plus maigre que je n’étois. La crainte de la mort dont j’étois incessamment frappé, tournoit en poison tous les alimens que je prenois. Je tombai dans une langueur qui me fut fort salutaire ; car les noirs ayant assommé et mangé mes compagnons, en demeurèrent là ; et me voyant sec, décharné, malade, ils remirent ma mort à un autre temps.

» Cependant j’avois beaucoup de